L’onomastique arabe a fait l’objet d’une vaste littérature dans l’islam médiéval dès le IIIe siècle de l’hégire. Les sources narratives et les dictionnaires biographiques constituent l’outil essentiel des historiens travaillant sur cette période. Jacqueline Sublet, qui est la spécialiste de cette science, a rédigé nombre d’études sur le sujet, notamment un ouvrage intitulé Le voile du nom, déjà traduit en arabe. Initiatrice d’une entreprise internationale à l’origine de la création d’une base de données qui fait référence de nos jours, elle a par ailleurs dirigé une revue intitulée Cahiers d’onomastique arabe de 1981 à 1992.

J. Sublet, Le voile du nom, Essai sur le nom propre arabe, Paris, PUF, 1991, p. 7 :

« Adam, le premier homme, est connu en arabe sous plusieurs noms : Abû l-Bariyya (père de la Création) ou Abū l-Bašar (père du genre humain). Le poète persan Jalâl al-Dîn Rûmî nomme Adam : « ‘Ullima l-asmâ’ Bek » (Celui auquel on a enseigné tous les noms), en référence au verset du Coran dans lequel il est dit : « ‘Allama Âdama al-asmâ’ kullahâ » (Dieu a enseigné à Adam tous les noms). Par « les noms », il faut comprendre l’ensemble des termes qui serviront aux descendants d’Adam à désigner les êtres animés et inanimés ainsi que les concepts ».

C. Hamès, « La Filiation généalogique (nasab) dans la société d’Ibn Khaldun », dans L’Homme, 1987, tome 27 n°102. Tribus en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. p.100 :

« Tout l’édifice des hadiths de la sunna prophétique (« tradition ») et des récits historiques des premiers temps de l’islam est fondé sur l’architecture généalogique (isnâd) des rapporteurs et des témoins. La transmission des savoirs religieux classiques s’est par la suite appuyée sur le déroulement du tapis des filiations enseignantes, critère axial de la légitimation du statut du savoir. Le réseau de diffusion transislamique des turuq (« confréries religieuses ») procède de chaînes de filiation mystique (silsila) où, de père en fils spirituels (sinon biologiques), se transmettent les éléments nécessaires à la poursuite légitime du mouvement. Le droit musulman (fiqh) tourne en grande partie autour des questions de mariage et d’héritage, « noyau dur », disent certains, de la résistance islamique au droit d’inspiration occidentale[…] Partout où il y a islamisation, hier et aujourd’hui, le mariage et l’héritage selon le modèle « arabe » du fiqh introduisent des transformations structurelles dans les relations sociales et politiques découlant des relations de parenté ».

Ibn Hazm (m. 456/1064), Jamharat ansâb al-Arab, éd. ‘Abd al-Salâm Hârûn, Le Caire, Dâr al-Ma‘ârif, 1962, p. 2 :

« La généalogie est une science à la fois éminente et excellente, parce qu’elle permet la connaissance entre les hommes. Dieu a fait qu’une partie de cette science ne saurait être méconnue de quiconque, et il a laissé la connaissance d’une autre partie, moins importante, à la discrétion de chacun. À cette différence près que celui qui ignore cette seconde partie est inférieur à celui qui la connaît. Toute science dotée de ces qualités est une science méritoire, que ne nierait qu’un ignorant ou un obtus ».

Stèle funéraire n° 144

Stèle funéraire, Kairouan, 1049, fonds Madeleine Schneider, IRHT.

J. Sublet, « Dans l’islam médiéval : nom en expansion, nom à l’étroit : l’exemple d’Ibn al Fuwatî », dans L’écriture du nom propre, Anne-Marie Christin (dir.), Paris, L’Harmattan, 1999, p. 126 :

« Les noms enregistrés dans les répertoires et les dictionnaires biographiques, dont une grande partie est parvenue jusqu’à nous, sont en majorité ceux des lettrés qui sont les garants de la transmission du savoir. Il s’agit non seulement du savoir religieux transmis depuis les premiers temps de l’Islam, paroles, récits des faits et gestes exemplaires du Prophète et de ses compagnons […], mais aussi des ouvrages écrits concernant les divers domaines de la science religieuse et profane qui sont transmis oralement et par écrit selon des systèmes codés de lecture et de récitation en présence d’un auditeur ».

J. Sublet, « Un héros populaire dans un espace encombré », Arabica, n° 51, fasc . 1-2, p. 146-147 :

« Ce que l’on remarque en tout cas tout au long du Roman de Baybars, c’est une richesse onomastique, les noms des protagonistes, souvent faciles à retenir pour capter l’attention des auditeurs et des lecteurs, et d’une singulière beauté : Sulaymân le Buffle, fils du Renfrogné, père de deux fils appelés Saqr et Fahd (Faucon et Guépard), le Chevalier Sans Nom, les Francs appelés Salîb ou Salbûn (en référence à la Croix chrétienne), ou encore portant des noms qui sonnent comme des noms francs : Marin et Martin, sans oublier les noms des femmes, partout présentes dans le Roman, toutes (à l’exception de Chajarat ad-durr mère adoptive de Baybars, épouse puissante, âgée et volontaire de El-Saleh, souveraine, première en titre des sultans de la dynastie des Mamelouks) avec un nom personnel accompagné d’un adjectif qui les caractérisent : Fāṭima Fatmeh la Hautaine, ‘Â’iša Aïcheh la Grise ».

Référence électronique

Muriel Roiland, L’onomastique arabe, publié le 06/11/2024
https://comprendrelislam.fr/droit-et-societe/lonomastique-arabe/