Texte 1 :
Fakhr al-Dîn al-Râzî, al-Tafsîr al-kabîr (Mafâtîh al-ghayb), Le Caire, Dâr al-Fikr, 1981, XIV, p.121 (ad Q 7, al-Aʿrâf, 54, masʾala 3).
Dans ce passage, Râzî justifie sa méthode d’interprétation et répond aux traditionalistes qui l’accusent d’avoir dénaturé l’exégèse coranique en y introduisant beaucoup de matériaux issus des sciences rationnelles, telles que l’astronomie et l’astrologie.
« Et si quelqu’un parmi les ignorants et les idiots vient me reprocher d’avoir dérogé à la coutume en introduisant dans l’exégèse du Livre de Dieu beaucoup de questions relevant de l’astronomie et de l’astrologie, je répondrai à cet homme pitoyable que s’il méditait le Coran comme il se doit, il saurait que ces reproches sont infondés. Ceci peut être démontré de différentes façons. 1) Dieu a affirmé Sa science, Sa puissance et Sa sagesse en donnant comme preuve les états des cieux et de la terre, la succession de la nuit et du jour, la façon dont se produisent les lumières et les ténèbres, les états du soleil, de la lune et des étoiles. Il a mentionné ces choses dans la plupart des sourates, et Il les a répétées maintes fois. Or s’il n’était pas permis de les étudier et de réfléchir sur leurs états, Dieu n’en aurait pas rempli Son Livre. 2) Dieu dit : « N’ont-ils pas considéré le ciel, au-dessus d’eux, comment Nous l’avons édifié et orné sans qu’y soient des fissures ?» (Q 50,6). Il incite donc à réfléchir sur la façon dont Il l’a édifié. Or, l’astronomie n’a d’autre but que de comprendre comment Dieu a élevé les cieux et comment Il a créé chacun d’eux. 3) Dieu a dit : « Créer les cieux et la terre est certes plus grandiose que créer les Hommes, mais la plupart des Hommes ne savent point » (Q 40,57). Il indique par-là que les merveilles de la création que renferment les corps célestes sont infiniment plus nombreuses et plus parfaites que celles que contient le corps humain. Ensuite, Il a exhorté les hommes à réfléchir sur les corps humains en disant : « [Sur terre, sont des signes pour ceux qui croient fermement. Il en est] aussi en vous-mêmes. Ne les voyez-vous pas ? » (Q 51, 20-21). Il en ressort que les créatures les plus élevées, celles qui renferment les preuves les plus démonstratives, méritent davantage qu’on observe leurs états afin de connaître les merveilles et les choses étonnantes que Dieu y a déposées. 4) Dieu a fait l’éloge de ceux qui méditent sur la création des cieux et de la terre, comme dans cette parole : « [Ceux qui invoquent Dieu, debout, assis ou couchés, et qui] méditent sur la création des cieux et de la terre, [disant] : ʻSeigneur ! Tu n’as point créé ceci en vainʼ» (Q 3, 191). Or s’il était défendu de réfléchir sur ces choses, Dieu n’aurait pas dit cela ».
Texte 2 :
Fakhr al-Dîn al-Râzî, al-Tafsîr al-kabîr (Mafâtîh al-ghayb), Le Caire, Dâr al-Fikr, 1981, XVII, p. 99 (ad Q 10, Yûnus, 39).
Râzî insiste beaucoup sur l’idée selon laquelle certains textes coraniques ne peuvent être compris dans leur littéralité et que, par conséquent, il est nécessaire de recourir à l’interprétation (al-taʾwîl). Voici ce qu’il dit à l’occasion du commentaire du verset 39 de la sourate 10 (Yunus).
Les gens qui réalisent la vérité (ahl al-tahqîq) ont dit que [la parole] : « ce dont l’explication ne leur est pas parvenue » (wa-lammâ yaʾtihim taʾwîluhu) indique que quiconque ne possède pas la connaissance des interprétations (taʾwîlât) tombe dans l’impiété et l’hérésie, car les textes coraniques, pris dans leur sens obvie, peuvent parfois être contradictoires (mutaʿârida). Lorsque l’homme ignore la bonne façon de les interpréter (wajh al-taʾwîl), il lui vient à l’esprit que ce Livre (le Coran) ne dit pas la vérité. En revanche, quand il sait comment interpréter, il joint à la connaissance de la Révélation celle de l’interprétation et ce sera lumière sur lumière, Dieu guide vers Sa lumière ceux qu’Il veut.