Source : extrait de Stanislas Guyard, « La fetwa d’Ibn Taimiyyah sur les Nosairîs », Journal Asiatique, 1871, 6e série, t. XVIII, p. 158-198.
Les docteurs de l’Islam sont tous d’accord sur ces points :
1° Qu’il est illicite de contracter le mariage avec de telles gens, et qu’un homme ne peut ni cohabiter [avoir une relation sexuelle] avec son esclave, si elle est nosairi, ni prendre femme parmi eux ;
2° Que les animaux tués par eux sont impurs ; […]
5° Il n’est pas licite d’enterrer les Nosairis dans les cimetières musulmans, ni de réciter les prières sur leurs corps. Dieu a défendu à son Prophète de prier sur le corps des hypocrites tels qu’Abd allah ben Obay et ses pareils, qui feignaient de pratiquer la prière, l’aumône, le jeûne et la guerre sainte en compagnie des musulmans, n’émettaient jamais d’opinions contraires à la religion musulmane, mais ne les professaient pas moins en secret. Dieu très-haut a dit : « Ne prie jamais sur aucun d’eux quand ils mourront ; ne te tiens jamais sur leur tombe » (Coran, IX, 86). Combien à plus forte raison ne doit-on pas agir de même à l’égard de ceux qui, outre le zendiqisme et l’hypocrisie, laissent encore paraître l’incrédulité et l’hétérodoxie !
6° Quant à les employer sur les frontières des musulmans, dans leurs forteresses et à l’armée, c’est une énormité semblable à celle qu’on commettrait en se servant des loups pour garder les moutons. Car ces gens sont les plus traîtres des hommes à l’égard des musulmans et de leurs chefs, les plus acharnés à la subversion de la religion et de l’État, les plus empressés à livrer les forteresses à nos ennemis. Il est donc du devoir de nos préfets de les rayer des contrôles de l’armée et de ne pas plus s’en servir pour combattre que pour toute autre fonction […].
8° Leur sang et leurs biens sont déclarés licites. Les docteurs [de la Loi] se partagent sur la question de savoir si l’on doit les admettre à résipiscence quand ils manifestent le repentir. Ceux qui agréent leur conversion exigent en échange l’abandon de leurs biens aussitôt qu’ils ont adopté la loi de l’Islam. Ceux qui la rejettent, ainsi que la possibilité pour eux d’hériter de leurs proches, déclarent que la confiscation de leurs biens est une restitution au trésor public. Car, disent-ils, ces Nosairis, lorsqu’on les admet [à résipiscence], feignent l’ignorance auprès des ennemis de leur secte et cachent ce qui les concerne ; d’ailleurs il y en a parmi eux qui ne connaissent pas bien leur religion. La marche à suivre en ceci est de les surveiller avec vigilance, de leur interdire les réunions et le port des armes, et quand ils prennent part au combat et observent les pratiques musulmanes telles que les cinq prières et la lecture du Koran, de laisser parmi eux quelqu’un pour leur enseigner la religion musulmane et de s’interposer entre eux et leurs instructeurs. […]
10° Il n’y a donc nul doute que la guerre sainte et les mesures rigoureuses contre ces [Nosairis] ne soient au nombre des actions les plus agréables à Dieu et des devoirs les plus sacrés. […]
11° Il n’est licite à personne de cacher ce qu’il sait de leurs affaires ; au contraire, on doit dévoiler et divulguer leurs secrets, afin que les musulmans soient instruits de la vérité. Personne ne doit les aider à rester à l’armée ou dans une fonction quelconque. Personne ne doit s’opposer à ce qu’on les persécute, d’après les prescriptions suivantes de Dieu et de son Prophète, qui comptent parmi les articles les plus importants sur le devoir d’exciter au bien, de détourner du mal et de combattre dans la voie de Dieu [suivent quelques versets du Coran appelant à combattre les infidèles et les hypocrites, notamment les versets 19-22 et 74 de la sourate IX].
Commentaire
Taqî al-Dîn Ahmad ibn Taymiyya (1263-1328), théologien et jurisconsulte hanbalite, est connu pour son intransigeance et sa vision rigoriste de l’islam. À ce titre, ses écrits ont une influence considérable sur les mouvements fondamentalistes de l’islam contemporain. En particulier, la fatwa qu’il prononça au sujet des nousayris fait encore référence aujourd’hui au sein des mouvements islamistes radicaux et djihadistes afin de justifier la guerre sainte contre les alaouites, considérés comme des hérétiques.