929 : les Omeyyades de Cordoue prennent le titre califal

Le 16 janvier 929, Abd al-Rahmân III annonce dans une lettre officielle sa décision de prendre le titre de calife

Arîb b. Saʽîd, Mukhtasar ta’rîkh al-Tabarî, éd. R. Dozy, Histoire de l’Afrique et de l’Espagne, Leyde, Brill, 1849-1851, vol. 2, p. 212.

Au nom de Dieu, le Clément et le Miséricordieux ! Prières de Dieu sur son Prophète béni Muhammad !

Cela étant dit, nous sommes le plus légitime pour réclamer l’entièreté de nos droits, et le plus digne de satisfaire Sa volonté et de se couvrir avec la puissance miraculeuse de Dieu le Très-Haut. Car Dieu nous a favorisé et nous a témoigné sa préférence en termes de Pouvoir, auquel Il nous a élevé, nous permettant d’y accéder par notre effort et d’y parvenir par notre gouvernement, ayant diffusé notre nom et renforcé notre autorité à travers les pays (balad) et s’étant servi de nous pour proclamer l’espérance à l’humanité qui, en la ramenant de sa déviance vers nous, se réjouie d’être sous la protection de notre dynastie (dawlatanâ).

Louange à Dieu, maître des faveurs qu’Il octroie, pour tout le bien qu’il nous dispense et pour celui déjà dispensé. Il est digne de nos plus grands éloges, pour tous les avantages qu’il nous a concédés.

Nous avons jugé légitime de nous faire appeler « émir des croyants » (amîr al-mu’minîn) dans les lettres que nous enverrons et dans celles qui nous seront adressées – car tout autre qui s’attribuerait cette appellation ne la mérite pas (…). Nous savons que continuer à renoncer à cette obligation c’est perdre un droit qui nous revienne, et ainsi renoncer à un titre légitime.

Ainsi, ordonne au sermonnaire (khatîb) de ta localité qu’il le prône, et toi-même utilise-le quand tu t’adresses à nous, si Dieu le veut – car c’est de Lui dont nous implorons l’aide.

Écrit le jeudi 2 du mois de dhû-l-hijja de l’année 316 [16 janvier 929]

Commentaire

Arîb b. Saʽîd (mort vers 981) était un polygraphe et courtisan des califes omeyyades d’al-Andalus. Réputé comme médecin, il fit également œuvre d’historien et de poète.

Il est l’auteur d’une grande chronique historique intitulée Continuation de l’œuvre d’al-Ṭabarī, qui avait pour objectif de compléter cet ouvrage de référence par des précisions sur l’histoire de l’Andalus et du Maghreb. Familier de la cour des califes, il y inclut de nombreux documents tirés des archives du palais, en particulier cette lettre.

Daté du 16 janvier 929, ce document est d’une immense valeur historique. Par cette lettre, succincte car ayant vocation à être distribuée à tous les gouverneurs et agents de l’État dispersés à travers la péninsule Ibérique, le calife Abd al-Raḥmān III annonce à ses sujets sa décision de prendre le titre califal. Il donne également la consigne de faire désormais prononcer la prière en commun du vendredi en son nom – prérogative califale.

Sa décision est motivée par des arguments qui font office de classiques au sein du corpus idéologique califal. Selon lui, les Omeyyades ont reçu la faveur de Dieu, réussi à pacifier la péninsule et à ramener les croyants égarés dans le droit chemin, et ce pendant que les califes rivaux, abbassides et fatimides, se seraient montrés indignes d’un tel titre : en conséquence, les Omeyyades de Cordoue seraient les plus légitimes à assumer ce titre, d’autant plus qu’il avait été par le passé porté par leurs ancêtres de Damas.

 

Référence électronique

Aurélien Montel, 929 : les Omeyyades de Cordoue prennent le titre califal, publié le 26/07/2021
https://comprendrelislam.fr/religion-et-politique/929-les-omeyyades-de-cordoue-prennent-le-titre-de-califes/